Apfel skaliert
Malgré l'interdiction, l'OEB accorde en 2021 un brevet sur une variété de melon cultivée de manière
conventionnelle. (Image: Nikki Son, Unsplash)

En 2021, la société Nunhems/BASF a obtenu de l'Office européen des brevets (OEB) un brevet sur des pastèques sans pépins à croissance buissonnante. Depuis lors, l'association Keine Patente auf Saatgut! (Pas de brevets sur les semences !) s'est engagée devant l'Office européen des brevets pour obtenir l'annulation du brevet. Le problème : la pastèque et ses caractéristiques ont été brevetées alors que la croissance buissonnante est naturelle et n'a fait l'objet que d'une simple découverte. L'OEB avait délivré le brevet parce que le titulaire du brevet avait également utilisé un procédé courant (production de triploïdie (1)) pour réduire le nombre de pépins. Cependant, la chambre de recours de l'Office européen des brevets a finalement rejeté l'opposition au brevet. Comment cela est-il possible alors que les brevets sur les plantes cultivées de manière conventionnelle sont interdits ?

Brevet EP2814316

En 2013, BASF avait déjà déposé une demande de brevet auprès de l'OEB pour la pastèque triploïde. Cette pastèque a un port buissonnant qui, selon le fascicule du brevet, a été découvert par hasard dans un jardin potager. L'entreprise a poursuivi la sélection de la plante par des méthodes conventionnelles afin que ses fruits soient sans pépins. L'avantage principal de cette plante est son port compact. Le brevet EP2814316 a été délivré par l'OEB en 2021. Il couvre les semences, la plante et ses fruits.

La Suisse étant membre de la Convention sur le brevet européen (CBE), le brevet est également valable dans ce pays.

Opposition de « Keine Patente auf Saatgut ! » (Pas de brevets sur les semences !)

La même année où le brevet a été délivré, l'association allemande Keine Patente auf Saatgut! a formé opposition. Elle fait valoir que le brevet ne porte pas sur une invention et que les brevets sur les variétés végétales obtenues par sélection conventionnelle sont interdits en Europe. L'opposition, ainsi que le recours formé contre la décision de rejet, ont toutefois été rejetés par l'OEB. Celui-ci estime en effet que la triploïdie de la variété de melon constitue une contribution technique, malgré l'utilisation de méthodes conventionnelles.

Théoriquement interdit, pratiquement possible ?

En fin de compte, le débat se résume à une interprétation juridique de la CBE.
Pas de brevets sur les plantes ! explique que, dans le cadre de la CBE, il n'était pas prévu dès le départ (1973) d'accorder des brevets sur les plantes ou les animaux et que l'interdiction des brevets sur les plantes obtenues par sélection conventionnelle, adoptée en 2017, ne signifie pas que ces brevets étaient auparavant autorisés de manière générale. L'OEB interprète toutefois la CBE et l'interdiction de 2017 en ce sens que seules les plantes obtenues par sélection conventionnelle ne peuvent plus faire l'objet d'une demande de brevet à compter de 2017.

Avec le rejet de l'appel, il est désormais pratiquement impossible de contester le brevet au niveau européen. Au niveau national, il est toutefois encore possible de contester le brevet, car certaines législations nationales interdisent explicitement les brevets sur les plantes issues de la sélection conventionnelle.

La déréglementation des nouvelles techniques génétiques (NGT) ouvre de nouvelles perspectives

En cas de déréglementation des NTG, comme cela est actuellement discuté dans l'UE et en Suisse, de nouvelles possibilités s'ouvrent pour les brevets. Tout ce qui peut être breveté dans le domaine l'est : procédés, semences, plantes et caractéristiques. Le problème majeur réside dans le fait que les nouvelles techniques génétiques permettent également de reproduire des plantes ou des caractéristiques naturelles/issues de la sélection conventionnelle, qui peuvent alors être brevetées. De manière plus controversée, les NTG peuvent être utilisées lors du processus sans être responsable de la nouvelle caractéristique, mais permettent de déposer un brevet puisque les plantes GM peuvent être brevetées. Cela ouvre la voie à la biopiraterie et crée une insécurité juridique pour la sélection conventionnelle. 

C'est pourquoi, dans le cadre des négociations actuelles sur les nouvelles techniques génétiques, le Parlement européen demande une interdiction des brevets, qui n'est toutefois pas prévue dans le projet actuel du Conseil. Le projet de loi suisse sur les nouvelles « technologies de sélection » ne contient aucune disposition relative aux brevets. L’ASGG, en collaboration avec de nombreuses autres organisations, demande donc que la question des brevets soit prise en compte et que la sélection conventionnelle soit protégée !

 

Sources :

https://www.no-patents-on-seeds.org/de/patentfaelle/buschige-melone

https://www.no-patents-on-seeds.org/de/melone

https://register.epo.org/application?lng=de&number=EP13703094

https://www.no-patents-on-seeds.org/sites/default/files/news/Correct%20interpretation%20of%20Art.%2053(b).pdf

https://www.ig-nachbau.de/appendix/news/details/basf-erhaelt-patent-auf-wassermelonen

 

(1) Triploïdie : les plantes qui plus possèdent de deux jeux de chromosomes (copies du patrimoine génétique, n) sont appelées polyploïdes. La triploïdie (3n) est une forme de polyploïdie dans laquelle les plantes possèdent plus de trois jeux de chromosomes. La production de melons triploïdes, utilisés pour les pastèques sans pépins, s'effectue par croisement entre une plante de melon tétraploïde (4n) et une plante diploïde (2n). Ce croisement donne naissance à une descendance possédant trois jeux de chromosomes (3n), c'est-à-dire des plantes triploïdes. Les plantes triploïdes sont souvent sans pépins (stériles), car le nombre impair de chromosomes perturbe la formation des graines.